Il n'est pas évident d'échapper à l'influence de nos parents… Mais, même si l'on a connu une enfance difficile, il est possible de construire sa propre personnalité et de ne pas reproduire les scénarios familiaux.
S'affranchir du modèle parental
Tous les adolescents et les jeunes adultes ont tenté de s'affranchir du modèle parental. Mais, quel que soit le contexte familial, il semble très difficile d'échapper à l'influence de nos parents. Une force implacable nous conduit à les imiter, à leur ressembler.
C'est normal, disent les psychiatres, qui appellent ce phénomène la force des identifications.
L'enfant se construit à travers les représentations parentales. Elles sont enfouies dans l'inconscient, souvent oubliées, parce qu'elles sont devenues partie intégrante du nouvel individu et le façonnent.
Bref, il faut faire avec ses parents !
Qui ne se surprend jamais à répéter les sempiternelles phrases de sa mère ou de son père, à réagir comme eux face à certaines situations, ou à reproduire jusqu'à certains tics dont on se moquait plus jeune...
Une empreinte indélébile
Accepter cette imitation inconsciente paraît cependant impossible à des enfants dont les parents ont été déficients, voire vraiment "toxiques"
« Ma mère est alcoolique depuis des années, raconte Alice, 22 ans. Pour le moment, tout va bien. Je réussis mes études, j'ai de nombreux amis. Les seules répercussions sur ma vie sont ma crainte d'aimer, ma méfiance et un stress difficile à maîtriser. Mais, le pire, c'est ma peur de devenir alcoolique plus tard ! Je crains que tout ce que j'ai vécu pendant l'enfance ne me retombe dessus. »
Nombre d'enfants ayant grandi dans des contextes éprouvants semblent ressentir cette même crainte, celle de reproduire des comportements dangereux pour eux ou leur entourage, ou de développer des traits de caractère parentaux méprisés durant leur jeunesse.
« Mon père a toujours été soumis, perdu et trop passif, regrette Alain, 32 ans. Ma mère n'a cessé de le porter à bout de bras. Je ne souhaitais pas lui ressembler mais, aujourd'hui encore, je lutte difficilement contre la timidité et la même faiblesse que lui. »
L'enfant reflète en effet très souvent les attitudes psychiques de sa mère et de son père. D'ailleurs, les enfants de parents dépressifs ont plus de risque de le devenir aussi.
C'est le mécanisme d'empreinte : les parents dépressifs peinent davantage à développer un comportement relationnel adapté au bébé et au jeune enfant. Ce dernier n'acquiert donc pas les compétences psychiques qui lui auraient permis d'éviter à son tour la dépression. C'est un cercle vicieux.
Mais pourquoi imitons-nous même les facettes que nous trouvons détestables de la personnalité de nos parents ?
L'imitation des parents est l'un des mécanismes automatiques majeurs du développement et de l'apprentissage chez l'être humain, dès le plus jeune âge. Le moteur de c'est l'amour !
« Les processus de mémoire biologique poussent naturellement à la répétition, explique l'éthologue Boris Cyrulnik. Les traces mnésiques sont imprimées dans l'inconscient, comme une langue maternelle que l'on n'oublie jamais totalement. Les animaux aussi intègrent les comportements des individus dominants. »
Et, selon Karine Martin, thérapeute familiale, le principal moteur de l'imitation est l'amour que l'on voue à ses parents !
Quelle que soit la complexité de ces mécanismes, certains souffrent de ne pas pouvoir échapper à la répétition du scénario.
« Depuis toute petite, j'ai entendu des cris et des disputes à la maison, témoigne Marie, 43 ans. Mon père, alcoolique, était violent et j'observais, impuissante, la passivité de ma mère. Je l'écoutais pleurer sur ses souffrances, sans jamais la voir agir ou changer quoi que ce soit dans notre vie. Une fois adolescente, j'ai imité mon père en sombrant dans l'alcoolisme, puis ma mère en épousant un homme avec lequel je me disputais constamment, en oubliant de protéger mes enfants. »
Cette répétition est encore plus angoissante quand elle s'exerce aux dépens de ses propres enfants.
« J'aime énormément mon fils de neuf ans, mais je ne sais pas comment l'exprimer, confie Audrey. Je suis violente verbalement, d'une violence qui me fait peur : je lui reproche tout ce qu'il fait ! Et lui passe son temps à essayer de me faire plaisir, à rechercher mon amour et ma reconnaissance. Ma propre mère me maltraitait psychologiquement. Mais, au lieu d'épargner cela à mon fils, je le reproduis. Je m'en rends compte mais je ne peux pas m'en empêcher, cela coule dans mes veines comme un poison. Je n'en peux plus, je ne mérite pas qu'il m'appelle maman. »
Se forger sa propre identité
Même si ces mécanismes de répétition sont puissants, rien n'est cependant définitif ! De nombreux psychanalystes et sociologues ont souligné l'existence d'un processus de "dégagement".
En clair, quels que soient les comportements appris durant l'enfance, rien n'empêche un individu d'apprendre autre chose. Il doit le vouloir, et trouver le moyen qui va l'aider : une Psychanalyse, une psychothérapie ou un engagement dans une cause politique, humanitaire. La personne doit vouloir se battre consciemment contre son problème et se faire aider.
Ainsi, même si les parents représentent naturellement le modèle le plus fort, devenir leur copie conforme n'est pas une fatalité ! D'ailleurs, en grandissant, un équilibre s'installe progressivement entre l'imitation involontaire et le besoin de se différencier.
De plus, à partir du modèle parental, un enfant a la possibilité de composer une personnalité tout à fait différente.
L'enfant a la plupart du temps pour référence le comportement de deux parents. Dans les foyers monoparentaux, le deuxième parent psychique est un grand-père, un oncle, une amie de la famille... La présence de deux référents permet à l'enfant d'intégrer tel comportement de l'un et telle réaction de l'autre.
Cela offre une quantité inimaginable de combinaisons possibles. Au final, l'enfant sera vraiment différent de ses parents. Chaque être humain conserve ainsi sa part de liberté et d'identité psychologique.
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