Par Lakshmi Bertram
Pour moi c’est une drôle de question, « Pourquoi accoucher dans l’eau? » J’ai toujours envie de demander: «Pourquoi NE PAS accoucher sous l’eau? » Quand j’y pense, un accouchement sous l’eau comporte tellement d’avantages et cela semble tellement plus logique, que je me demande pourquoi beaucoup de femmes ne le font pas.
Mes cinq enfants sont tous nés sous l’eau. Pour chacun d’entre eux ce fut une expérience à laquelle je repense avec affection et grande fierté. Cela a été merveilleux d’être en mesure de donner naissance avec autant de sérénité et de douceur. Et merveilleux pour moi de le faire sans avoir à subir une souffrance insupportable.
J’ai entendu parler d’accouchement sous l’eau pour la première fois une semaine avant la date prévue d’accouchement de mon premier enfant. J’avais dix-neuf ans et j’étais persuadée de vouloir accoucher naturellement, l’accouchement sous l’eau m’a offert quelque chose que je pensais impossible sans médication: moins de souffrance. Les femmes qui avaient essayé, ont systématiquement et unanimement témoigné du fait que leurs contractions étaient beaucoup moins douloureuses lorsqu’elles se passaient sous l’eau. Et elles ont toutes dit que, après avoir eu un accouchement sous l’eau une fois, elles ne s’imaginaient plus donner naissance autrement.
Ces témoignages m’ont paru vraiment puissants et m’ont permis de me faire ma propre opinion. J’ai préféré faire confiance aux femmes qui ont accouché sous l’eau avant moi, plutôt qu’à l’opinion médicale. Elles étaient des femmes comme moi, et elles avaient donné naissance comme je m’apprêtais à le faire. Je pense que cela fait d’elles des expertes sur le sujet et que, par conséquent,c’est à elles que je pouvais faire confiance. Ce que j’ai lu et entendu des ses femmes m’a convaincu d’accoucher sous l’eau.
Mise à part le fait de moins souffrir, l’accouchement sous l’eau m’ a offert d’autres avantages qui étaient tout aussi attrayants. Les épisiotomies peuvent être évitées, car l’eau adoucit les tissus du périnée, les rendant plus souples et extensibles. Et le temps de travail lui-même peut être raccourci – tout cela a été vu et revu à chaque fois que des femmes choisissent d’accoucher sous l’eau. Sous l’eau je suis toujours capable de gérer le travail comme j’en ai envie, dans la position que je veux, avec l’avantage que certaines positions sont plus faciles à réaliser sous l’eau. Être accroupie demande un effort sur la terre ferme alors que, sous l’eau, la gravité est diminuée par la pression de l’eau, s’accroupir devient une position plus facile et naturelle.
Ensuite, bien sûr, du point de vue du bébé c’est également très attrayant. Jamais je n’avais entendu parler d’une venue au monde plus douce pour un bébé. J’ai été enchantée par l’idée d’être en mesure de mettre au monde un bébé sans qu’il n’ait à subir le «traumatisme» de la naissance. Il est amené et remonté à la surface de l’eau tout en douceur pour prendre son premier souffle, tandis que père et mère, le couvant du regard, lui murmurent avec amour la bienvenue dans ce monde. Voyez comme cela semble parfait et pur, simple et suave! Il a fallu seulement un jour et la réponse à une seule question avant que je sois prête à rechercher une baignoire pour accoucher sous l’eau:
«Pourquoi le bébé ne se noie pas? »
Pour moi, c’était la première préoccupation; après tout, toute personne qui ne retient pas consciemment sa respiration sous l’eau risque la noyade. La réponse est si logique et si simple. Un bébé ne se noie pas lors d’un accouchement sous l’eau car le bébé est déjà dans le liquide de l’utérus. Il faut de l’air pour respirer, et quand le bébé vient du liquide amniotique dans l’eau sans introduction d’air, les poumons restent fermés et l’eau ne peut entrer. Une fois que le bébé est amené à la surface de l’eau et que son visage touche l’air, le premier souffle est tiré et la vie sur terre commence. À la connaissance de ces faits, il est clair que la naissance sous l’eau est un moyen sans danger pour un bébé à naître.
Ayant choisi d’avoir un accouchement sous l’eau, nous avons choisi une cuve dans laquelle j’allais accoucher- un abreuvoir à bétail et chevaux en fibre de verre d’une contenance de 300 litres que nous avons installé dans l’attente du jour J.
Mes premières contractions étaient réglées comme une horloge, comme si elles sortaient tout droit d’un manuel et qu’on les avaient appliquées à mon accouchement. Le travail a commencé en début de matinée, avec des contractions faibles, légères et espacées, et ont progressé régulièrement dans la journée, devenant plus fortes et plus rapprochées.
À 21h00, avec la perte du bouchon muqueux et le début du travail actif, j’ai soudain compris pourquoi on l’appelle le travail! Ces contractions étaient tellement fortes qu’elles semblaient posséder mon corps. Bientôt, rester immobile semblait impossible, et j’ai commencé à faire les cent pas, faire des allers et retours, allers et retours, comme des millions de femmes ont fait avant moi, en utilisant la gravité et le mouvement pour m’aider dans cette incroyable tâche qu’est l’accouchement.
Au bout d’un moment, mon mari et la sage-femme ont commencé à remplir la baignoire d’accouchement. Alors que le bruit de l’eau courante a rempli la salle je ressentais une profonde aspiration primale. Au fond de moi, je savais avec certitude que cette eau que j’ai entendu couler, pourrait m’apaiser et me consoler, et c’est à ce moment que j’ai réalisé la puissance de la naissance sous l’eau. Cette eau m’a interpellée pendant le travail, promettant aide, promettant confort, et j’aspirais si intensément à y entrer, que j’ai ajouté la baignoire à ma promenade, en traversant la cuve à chaque passage afin de voir si elle avait fini de se remplir.
Enfin, c’était assez profond. J’y suis entrée et m’y suis enfoncée. Je n’oublierai jamais cette sensation de soulagement dans l’eau chaude. Immédiatement l’eau m’entourait comme un duvet bien chaud, me serrant fort, me soutenant. Je me suis détendue, je me suis enfoncée un peu plus, et j’ai remarqué à quels points ces douleurs, qui avaient abattu mes jambes et avaient tenu serré mon abdomen, avaient disparu.
Dans ce cadre, encourageant et chaleureux, j’ai soupiré, m’enfonçant un peu plus. Avec la contraction suivante, je respirais profondément et lentement, émerveillée de la façon dont je me sentais beaucoup mieux, travaillant dans l’eau. Je suis tombé dans le rythme régulier de l’accouchement, accompagnant chaque douleur par une respiration, complètement détendue entre deux contractions, me reposant si bien que toute la tension avait simplement disparu, j’ai enfin pu me concentrer, et aider mon corps à travailler. J’ai imaginé mon col s’ouvrir à chaque contraction et mon corps se revivifier entre les deux.
Pendant cinq heures, j’ai travaillé dans ce flux et le reflux, répétant des « Ohhh» et «Ahhh», afin de rester concentrée quand les douleurs se sont intensifiées.
Pendant la transition je respirais difficilement et je me balançais, d’avant en arrière pour soulager la douleur. Les douleurs de transition ont été les plus pénibles, comme elles le sont dans presque chaque accouchement. Je me souviens avoir pensé: «OK, je suis prête à le faire, maintenant, je ne veux pas continuer plus longtemps » Et, peu de temps après, j’ai utilisé quelques-unes de mes onomatopées préférées afin d’exprimer l’intensité de ce que je ressentais pendant mes contractions. La transition était courte, Dieu merci, seulement une demi-heure à peu près, c’est à ce moment que j’ai été prête à pousser.
Lors d’une conférence, récemment, une femme m’a demandé, « Comment avez vous su quand pousser sous l’eau? » Il m’a fallu une minute avant même de comprendre la question. À l’hôpital, où elle avait eu son premier bébé, l’accompagnateur lui avait dit quand pousser et quand ne pas pousser, selon ce qu’ils pouvaient voir de son point de vue externe en tant qu’observateur.
Lors de mon premier accouchement, j’ai juste poussé quand j’en ressentais l’envie. Et j’en ressentais vraiment l’envie. Ne pas pousser aurait été la chose difficile à faire. Mon corps savait ce qu’il voulait; tout ce que j’avais à faire était de participer. Et j’ai participé, prenant une profonde respiration, la retenant, en m’accroupissant, travaillant plus dur que jamais auparavant.
Une fois la transition terminée, je me sentais puissante une fois de plus. Les onomatopées avaient cessé, le sentiment que j’étais prête à abandonner avait disparu, j’ai senti mon enthousiasme renouvelé. Mon bébé était presque là!
Après 20 minutes, il était né: mon premier bébé sous l’eau. Ma sage-femme le souleva doucement alors qu’il sortait et le coucha dans mes bras. Je m’émerveillais de lui, complètement captivée. Comme il était doux, si calme et paisible. Il regarda autour les yeux écarquillés, écoutant nos voix douces, s’étirant doucement dans cette nouvelle matrice. Il n’a même pas pleuré, il n’en avait pas besoin. Rien ne lui avait fait peur, rien ne l’avait blessé, et personne ne l’avait arraché de la seule personne qu’il ait jamais connu: sa mère.
Même si c’était un bébé de 3,69 kg , je n’ai lâché qu’une petite larme, dû a un seul point de suture lié au fait que j’avais sorti ses deux épaules en même temps. Avec les autres accouchements sous l’eau qui ont suivi, je n’ai eu aucune déchirure alors que les bébés pesaient 4,08kg , 3,67kg et 3,90kg.
Dès que j’ai pris mon nouveau fils dans mes bras et l’ai regardé s’étirer, j’étais folle de joie, extatique! Je l’avais fait! J’ai réussi l’expérience la plus intense et difficile de ma vie, et je me sentais merveilleusement bien grâce à cela. Maintenant, tenant la récompense de mes efforts, éveillée et consciente dans mes bras, je me sentais si complète – pleine de la puissance et du miracle de la naissance, pleine de la beauté de la vie et de sa perfection.
Je n’aurais manqué ce moment pour rien au monde. C’est alors que je savais ce que cela signifiait d’être une mère, d’aimer quelqu’un avec plus de cœur que vous pensiez en posséder, et avec plus d’amour que vous n’auriez jamais cru possible. La magie a opéré pour moi à ce moment là, ce moment qui m’a transformé à jamais, où je suis devenue parmi les plus honorables des êtres : une mère.
L’accouchement est toujours un défi. Ce n’est pas chose facile que d’apporter une nouvelle âme au monde, ce n’est pas chose facile de souffrir pour qu’un autre être puisse vivre. Mais l’accouchement n’est pas supposé être insupportable. Nous ne sommes pas supposées souffrir si intensément de cette expérience, de sorte qu’elles nous fassent nous sentir moins femme, au lieu de plus.
L’accouchement naturel a toujours permis à la femme de garder son pouvoir et sa force pour l’instant de la naissance. Accoucher sous l’eau permet beaucoup plus. Il permet moins de douleur et de souffrance, et nourrit l’estime de soi.
Sachant tout cela, et l’ayant expérimenté moi même, ce que je ne peux toujours pas comprendre, c’est: « Pourquoi NE PAS accoucher sous l’eau? »
Traduit par l'équipe oummi-materne.com.
Article original "Why Have a Water Birth?"