Maman et bébé, quand le lien tarde à se faire

Pour mes deux accouchements j'ai eu des césariennes, la première sous rachi anesthésie car elle était programmée. La seconde sous anesthésie générale car en urgence après un travail long et une souffrance foetale.

J'ai pu entendre et puis voir mon premier fils tout de suite dès qu'il est né, encore rouge de moi, enroulé dans une serviette chaude on l'a approché quelques minutes pour que je puisse l'embrasser et lui parler avant qu'il parte pour ses premiers soins. J'ai croisé son regard si profond, ce regard qui m'a transpercée et qui a fait littéralement gonfler mon coeur d'un amour indéfinissable.

Je l'observais dans sa couveuse comme pour mémoriser chaque détail de son petit corps, cherchant son regard, gravant les traits de son visage dans ma tête avant de pouvoir l'avoir dans mes bras. Je me souviens que je pleurais de joie quand je le regardais près de moi dans la chambre d'hôpital. Je sentais des bouffées d'amour me remplir et l'impression de ne pas pouvoir aimer plus quelqu'un que je l'aimais alors.

Le lien a été quasiment immédiat, passé les premières maladresses pour le prendre dans mes bras je me suis sentie tout de suite attachée à ce petit bébé que je rencontrais enfin après 9 mois de vie commune.

Un deuxième lien plus difficile à créer...

Pour mon second garçon, je n'avais pas de crainte quand à l'attachement immédiat. Bien sûr je me demandais comme beaucoup de mamans si j'allais pouvoir aimer une seconde fois si fort que pour mon aîné mais je savais que j'allais dès mon regard posé sur lui tomber amoureuse de ce second bébé. J'avais imaginé une rencontre différente, j'espérais accoucher par voie basse cette fois-ci et pouvoir l'avoir tout de suite contre moi. Le caresser, le respirer et l'admirer dès ses premières minutes de vie. Mais l'accouchement ne s'est pas passé comme prévu et nous avons donc dû différer notre rencontre. J'ai dû subir une césarienne d'urgence sous anesthésie générale et je n'ai pu voir mon fils que plusieurs heures après sa naissance. Quelques mois après sa naissance j'écrivais ceci:

Pardon mon petit amour...

"Ezio je voulais te dire tout mon amour, depuis que tu es là, mon cœur a encore grandi... Ezio j'ai eu peur de te perdre durant l'accouchement quand les alarmes sonnaient, que ton coeur flanchait, et que tous étaient braqués sur ce monitoring en me donnant l'ordre de me coucher sur le côté gauche et de rester ainsi malgré mes plaintes de douleurs... J'ai demandé à la sage femme les yeux remplis de panique si elle allait faire quelque chose?! De ne pas te laisser mourir... Ezio 9 mois après je m'en veux...

9 mois plus tard je suis si triste d'avoir ressenti pendant des semaines cette étrange sensation que tu n'étais pas mon fils... Je ne t'ai pas vu naître, tu ne me ressemblais pas, tu aurais pu être n'importe qui... Tu as pleuré toute la première nuit de ta naissance et j'étais impuissante à te calmer, ce qui renforçait mon sentiment d'imposture... Je ne sais même pas l'apaiser, le faire téter, normal puisque ce n'est pas MON bébé... Ezio c'est dur d'écrire tout ça, de le reconnaitre... Pourtant je crois que tu auras besoin d'entendre tout ça autant que j'ai eu besoin de l'écrire.. MON FILS si tu savais comme je t'aime, si tu savais comme je me gonfle d'amour à chacun de tes sourires, à chacun de tes"ba" baveux... Je te trouve magnifique avec tes fossettes tout comme moi, tes yeux bleus tout comme elle, ton caractère tout comme lui, ton besoin de contact et d'amour aussi intense et dévorant que le mien... 9 mois après je te dis tout ça, parce qu'il faut que tu te rassures, parce que même si je ne te tiens pas la main constamment comme tu le voudrais, même si je ne te porte pas toute la journée comme tu le voudrais, je t'aime comme une mère aime son enfant, de manière folle, inconditionnelle et éternelle... Mon deuxième, mon chaton cascadeur... Mon cœur est bien assez rempli d'amour pour vous... Tu fais partie de mon sang, de ma chair, tu fais partie des miens... Je t'aime maman..."

Ne pas culpabiliser mais en parler

Si on m'avait dit que je ressentirais ce sentiment si étrange envers mon enfant je n'en aurais rien cru. Et pourtant. Moi la maman louve qui protège, porte, allaite et materne. J'ai ressenti cette horrible sensation, ce lien qui tardait à se faire. J'étais en pilote automatique à la maternité, je le changeais, je le nourrissais, je lui chantais des chansons pour l'apaiser mais tout cela était si faux. Les auxiliaires de puériculture me trouvaient si sereine, si à l'aise "ah ça se voit que c'est pas votre premier bébé". Si elles savaient, je le regardais, je le scrutais à la recherche d'une ressemblance que je ne parvenais pas à trouver. Je me sentais nulle et étrangère, incompétente à m'occuper de ce bébé. Mais tout au fond de moi je sentais tout l'amour qui grondait, tout cet attachement qui attendait en sourdine que je débloque les verrous inconscients de ma tête. J'ai écrit, j'ai parlé, j'ai dialogué avec ce petit bout de nous qui ressentait mon mal être sans le comprendre. Et j'ai surtout énormément pleuré. Pleuré mon accouchement raté, mes espoirs, ma douleur, ce corps transformé et meurtri par une nouvelle cicatrice.

Et tout cela m'a libérée. J'ai senti ce poids partir de mes épaules, l'amour prendre enfin toute la place. J'ai serré MON fils dans mes bras et je lui ai dit que je l'aimais depuis qu'il était un sujet de conversation entre nous deux pour savoir si on voulait un autre bébé. Que je l'aimais depuis que le test a dit oui. Depuis ses premiers battements de coeur jusqu'à ce jour où son regard bleu azur a transpercé le mien et m'a fait devenir maman une seconde fois...

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