La naissance d'un bébé prématuré peut être perturbante pour ses frères et sœurs. Les écouter et faciliter leur rencontre avec le nouveau-né les aide à passer ce cap. Toutes nos explications.
Grands prémas : les frères et sœurs trop souvent « délaissés »
Quand un bébé naît deux ou trois mois avant la date prévue, l'angoisse des parents est à son paroxysme. Va-t-il survivre à cette naissance très précoce ? Gardera-t-il des séquelles neurologiques, de motricité ou autres ? Depuis les services de réanimation néonatale jusqu'aux unités de néonatologie simple, dernière étape avant le retour à la maison, on tente de répondre à leurs angoisses et on les associe à la démarche thérapeutique. Mais les frères et sœurs aînés du nouveau-né restent encore trop souvent ignorés dans ce processus.
Attention aux troubles psychologiques
Cette période difficile génère des souffrances psychologiques chez les enfants de la famille. « Il s'agit souvent de perturbations du type troubles anxieux », précise le Dr Nathalie Rabat, pédopsychiatre.
Certains sont victimes de troubles du comportement alimentaire ou du sommeil. D'autres adoptent des attitudes agressives. Chez les enfants déjà scolarisés, des grandes difficultés de concentration à l'école peuvent donner l'alerte sur leur mal-être. Il arrive aussi que l'enfant se sente coupable de la naissance prématurée de son petit frère ou de sa petite sœur.
« Pratiquement tout le temps, l'aîné ressent une grande ambivalence par rapport à l'enfant qu'attendent ses parents. Il peut avoir des souhaits inconscients de mort ou d'agressivité. Une naissance prématurée fait écho à ces souhaits inconscients », explique le Dr Rabat. Pour que l'enfant ne cultive pas ce sentiment de culpabilité, et plus généralement pour l'aider à dire ce qu'il a sur le cœur, il est conseillé d'organiser pour lui une rencontre seul à seul avec un tiers de l'équipe soignante.
En effet, les parents, anxieux et très sollicités de jour comme de nuit auprès du nouveau-né, ne disposent pas toujours de l'écoute nécessaire. Ouvrir les portes de l'hôpital aux frères et sœurs aide également à atténuer leur anxiété.
C'est pourquoi nous avons mis en place les visites de fratrie, car ce qu'imagine un enfant est souvent beaucoup plus angoissant que la réalité », indique le Dr Theissier.
Organiser la rencontre au plus tôt
Les premiers temps de la vie d'un grand prématuré en réanimation néonatale sont fréquemment les moments les plus délicats. Ils sont le plus souvent sous assistance respiratoire, sous la surveillance constante du personnel, prêt à intervenir à la moindre alerte concernant leur santé.
Pourtant, c'est bien dès la réanimation néonatale que doit se faire la rencontre avec la fratrie, estime Françoise Galland, directrice de Sparadrap, une association dont l'objet est d'aider les familles et les professionnels quand un enfant est malade ou hospitalisé. Un point de vue partagé par le Dr Rabat : « Le plus important, c'est qu'il y ait au moins une visite dans les grandes phases d'inquiétude, juste après la naissance, insiste la pédo- psychiatre. En outre, il y a de plus en plus de très grands prématurés, et donc des risques de décès accrus. Ces moments douloureux sont encore plus difficiles à vivre s'il n'y a pas eu de visite. »
Une visite qui se prépare
Cette visite ne s'improvise pas. Au CHU de Nice, par exemple, un véritable protocole a été mis en place pour assurer le succès de cette première rencontre. Tout d'abord, avant même de venir à l'hôpital, le grand frère ou la grande sœur a commencé à tisser un lien avec le bébé.
« Il l'a déjà vu en photo, puisque nous disposons d'un appareil numérique qui permet de développer très vite les clichés et de les donner aux parents, précise le Dr Christian Solers, l'un des néonatologues du service. A l'avance, nous demandons également à l'aîné d'enregistrer un message ou de faire un dessin pour son petit frère. »
Ensuite, le jour de la visite, l'aîné a un entretien avec la psychologue ou la pédopsychiatre avant d'aller voir le bébé. Il rencontre également l'infirmière référente du bébé, qui lui explique le rôle de la couveuse et de tous les autres tuyaux et machines qui pourraient l'impressionner.
Enfin, après la visite, l'aîné a un nouvel entretien avec la pédopsychiatre ou la psychologue, afin de discuter de ses impressions après son premier face à-face avec le nouveau-né.
Dans les services de néonatologie qui n'ouvrent pas leurs portes à la fratrie, un réel manque de volonté de l'équipe est parfois en cause. Mais une insuffisance de personnel formé, une équipe trop réduite, ou encore l'absence d'un psychologue ou d'un psychiatre rendent parfois aussi cette démarche difficile.
Un face-à-face émouvant
« Ces premières rencontres sont souvent très émouvantes, souligne le Dr Rabat. Pour les parents, la réanimation est d'abord un choc, à cause du bruit, des images... Mais les enfants sont souvent moins choqués car ils n'ont pas du tout les mêmes représentations que les adultes, la même notion de la beauté. »
Cette visite s'avère également précieuse pour maintenir le lien familial, mis à mal notamment par le manque de disponibilité des parents. « Les parents rapportent souvent qu'avant la visite, le frère ou la sœur ne pouvait rien dire sur l'événement qu'il vivait. Après, c'est un vécu qu'il peut enfin partager » ajoute la pédopsychiatre.
Ne pas dramatiser le risque d'infection
Dans les nombreux services de néonatologie qui interdisent la visite de la fratrie, on invoque fréquemment le risque d'infections du bébé prématuré par les jeunes enfants souvent porteurs de germes.
Au CHU de Nice, où les visites de la fratrie sont maintenant instituées, l'expérience montre qu'en prenant des précautions, la contamination peut être évitée. « Un bébé dans une couveuse est protégé, insiste le Dr Solers. De plus, nous lavons nous-mêmes les mains des enfants. Le frère ou la sœur peut toucher le bébé, mais nous lui expliquons qu'il ne peut pas lui faire de bisous. »
De même, après le retour à la maison, les parents doivent rester vigilants pour éviter qu'un frère enrhumé contamine le bébé. Néanmoins, ils ne doivent pas s'inquiéter outre mesure. « Le milieu familial est relativement protégé. Il ne faut pas dramatiser, d'autant plus qu'on dispose aujourd'hui d'une protection vaccinale pour les très grands prématurés, indique le néonatologue. En tout cas, il ne faut surtout pas séparer le bébé de ses frères et sœurs. »
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