Parents malades : Faut-il dire la vérité aux enfants ?

Des femmes qui parlent en se tenant la main en apportant un soutien psychologique

Vivre avec un père ou une mère malade représente pour des enfants un traumatisme qu'ils ont besoin de comprendre. Pour mieux pouvoir se construire et hériter du courage de leurs proches.

« Je voyais que mon père maigrissait, mais je ne comprenais pas pourquoi. Quand j'ai su qu'il avait une tumeur, ça m'a un peu rassurée », raconte Lucie, 15 ans. Ses parents, Philippe et Catherine, ont pris le parti de ne rien cacher à leurs enfants, de les mettre face à la réalité du cancer. « De toute façon, nous voulions savoir... » assure leur fils Julien, du haut de ses 13 ans.

Annoncer les ravages de la maladie à un enfant peut paraître cruel, mais cette démarche est paradoxalement la seule qui, à long terme, lui permette de vivre le plus normalement possible.

Comment parler de sa maladie à ses enfants ?

« Les parents ont tendance à vouloir surprotéger les petits en les mettant à l'écart de la maladie. Mais lorsqu'un enfant s'aperçoit qu'il a été trompé, il devient très agressif envers les adultes et ne les respecte plus du tout. À l'adolescence, il peut alors sombrer dans la délinquance », explique Sabine Landru, psychanalyste à l'Institut Gustave Roussy (Villejuif). Avec le Dr Marie Cosset (anesthésiste), elle a mis en place des groupes de parole pour soutenir les personnes atteintes de cancer et leur famille.

« Nous voyons trop souvent des enfants totalement effondrés, ne découvrant l'existence du cancer qu'au moment d'une rechute ou du décès », racontent-elles.

L'idéal ? Dire la vérité le plus tôt possible, une fois le choc du diagnostic passé. Mais il n'est jamais trop tard pour impliquer l'enfant. Le principal est d'assurer la continuité d'une vraie vie de famille, indissociable des visites à l'hôpital et des traitements.

« Il faut aussi expliquer aux bébés. Ce n'est pas parce qu'ils ne parlent pas qu'ils ne peuvent pas comprendre », assure le Dr Cosset. Très souvent, le dialogue normalise et dédramatise la situation. A condition, bien sûr, d'employer des termes justes et d'y aller progressivement sans brusquer.

« Inutile d'avoir peur de prononcer le mot cancer, mais il faut faire attention de ne pas noircir d'emblée l'avenir », ajoute Sabine Landru. Personne ne doit promettre une guérison, mais tout le monde peut assurer que les moyens nécessaires pour combattre la maladie sont mis en œuvre.

« Les enfants ont tout de suite pris conscience du danger que représentait la tumeur au pancréas, ils ont posé beaucoup de questions. Nous les informions au fur et à mesure de l'évolution et des résultats des scanners, se rappelle Catherine. Après chaque séance de chimiothérapie, ils se mobilisaient d'eux-mêmes autour de leur père pour rester à son chevet. »

Être informé au fur et à mesure, c'est aussi mieux se préparer à l'éventualité de la mort. Et l'expérience prouve que, face à l'épreuve, les enfants déploient une forme de courage qui leur est propre.

Quelles répercussions sur leur vie ?

Bien sûr, ils sont obligés de faire face aux caprices de la maladie et à l'incertitude du lendemain. Bien sûr, la confrontation avec la douleur d'un proche paraît brutale, à l'heure où les camarades jouent en toute insouciance. Mais lorsque cette souffrance est comprise et soutenue moralement par la famille, la plupart du temps, elle se répercute positivement sur la personnalité.

Petit à petit, le jeune développe des forces pour se défendre face à la difficulté de vivre en compagnie d'un papa ou d'une maman "pas comme les autres".

« Ce sont des enfants qui mûrissent vite », reconnaît Marie Cosset. « Je m'aperçois que j'ai de vraies conversations d'adulte avec Julien et Lucie. Ils sont devenus très responsables, bien qu'heureusement ils aient gardé la fougue de la jeunesse », témoigne Catherine.

Vivre avec un parent malade, c'est perdre une partie de son innocence, mais c'est aussi connaître la vraie valeur de la vie. Avoir conscience de l'importance du lien affectif et de sa fragilité ne supporte pas la futilité et conduit droit à l'essentiel.

« Mes copines se prennent la tête avec leurs boutons, moi je relativise. Je me dis que ce n'est pas un vrai problème », raconte Lucie.

« Si je n'ai pas le dernier jeu à la mode, tant pis ! Je n'en fais pas un drame », ajoute Julien. A les voir et à les entendre aujourd'hui, les enfants de Catherine sont "bien dans leur tête". Et pourtant leur père n'est plus là... Mais il a su faire preuve de dignité face à la maladie et leur a transmis une inestimable force de vie.

Ne pas dire la vérité aux enfants sur sa maladie : le poids du non-dit

Danielle avait dix ans lorsque sa maman a été foudroyée par la maladie. À son tour mère de famille, elle témoigne :

« Je voyais ma mère allongée dans son lit, mais on ne m'a jamais dit exactement de quoi elle souffrait. Alors, je n'osais pas aller la voir, de peur de la déranger Elle a dû subir une intervention et on m'a dit qu'elle était guérie, le jour même de son décès ! Ma famille était bouleversée, mais on ne m'a rien expliqué. J'ai intériorisé toutes mes angoisses, toutes mes souffrances... Jusqu’à ce qu'elles resurgissent trente ans après.

J'ai connu une telle dépression que j'ai même fait une tentative de suicide. Il m'a fallu du temps et une longue psychanalyse pour reprendre goût à la vie et pouvoir me construire une véritable identité. »

À lire aussi : Ne pas mentir à ses enfants, c’est important !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. - * Champs obligatoires

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.