Témoignage – Harcèlement scolaire : des mots sur mes maux

Il m’aura fallu beaucoup de temps pour mettre des mots sur mes maux, ainsi que l’aide de professionnels bienveillants.

Témoignage sur le harcèlement scolaire

Pendant des années, j’ai cru être coupable, je ne sais pas comment, de ce que j’avais pu vivre enfant. Pourtant, petite j’étais une petite fille heureuse, pleine de vie.. Comment est-ce que j’ai pu basculer à cette femme adulte complètement perdue ?

Mes mots vont être forts parce que vraiment, ce que j’ai vécu est violent... On m’a brisée, cassée, massacrée à coup de :
• Tiens-toi droit,
• Ne bouge pas,
• Reste assise
• Tais toi
• Regarde devant
• Arrête ci arrête ça…

On m’a appris "l’adulte à raison, il sait tout". "Ecoute et obéis". Alors j’ai obéi coûte que coûte, mais à quel prix ?

J’ai courbé le dos, je suis rentrée dans ce moule qu’on m’imposait. J’ai perdu confiance en moi, c’est sournois parce que c’est progressif, on ne se rend compte de rien... mais ça agit petit à petit, doucement mais sûrement.

Je n’étais pas l’élève parfaite, modèle. Bien au contraire, j’étais plutôt la fille qui n'arrivait pas à faire ce qu’on lui demandait quel que soit l’exercice. Le « cancre », celle à qui il ne faut pas parler pour rester dans les bonnes grâces des maîtres. Celle que l’on peut embêter, huer avec l’assentiment du maître qui me rabaissait tout le temps, voire était violent…

Pour mes parents c’était des jeux d’enfants rien de plus, et ce que je vivais en classe comment aurais-je pu le leur dire ? L’adulte était tout-puissant, alors un maître ?..

Alors j’ai rien dit, personne n’entendait, ne comprenait, ne voyait. J’étais la seule coupable de mes malheurs. Je me suis mise à hurler tout le temps pour un « rien », à pleurer beaucoup, à être dehors le plus possible. Mes animaux de compagnie ont été mon refuge, je n’étais pas jugée, pas rabaissée, je pouvais être moi avec eux. Mes longues balades en vélo ou dans les champs ont été libérateurs aussi.

Puis est venu le collège (un grand), je pensais être perdue dans la masse. Avoir d’autres personnes qui pourraient voir qui j’étais moi et m’aimer moi comme je suis !

Je n’étais pas la meilleure élève, pire l’écart se creusait de plus en plus avec mes difficultés. Je n’étais pas jolie dans ce que la norme d’adolescent entend, je ne me maquillais pas, je n’avais pas de poitrine généreuse, je n’avais pas de vêtements de marque bref, je ne correspondais pas à leurs codes. Alors on m’a rejetée doucement puis violemment.

J’étais la cible de leurs moqueries, de leurs brimades sans cesse, tout le temps. Le pire pour moi était l’attente entre midi et 13h. La cantine, un calvaire où je n’allais plus, être seule était leur donner plus de poids, me voir pleurer aussi. Alors j’ai erré dans les couloirs, les WC, le CDI. Tout ce qui pouvait m’empêcher d’être vue seule, moi la cible parfaite.

Et toujours pas un seul adulte pour voir tout ce mal être que j’accumulais, qui me blessait.
Mes parents avaient leurs problèmes personnels et n’ont pas vu les cris d’une adolescente qui combattait comme elle pouvait une classe entière, seule à bout de souffle.

Arriva le lycée, je suis partie loin en internat, merci à mes parents d’avoir accepté ce choix.
Je me suis dit plus jamais on ne me blessera, plus jamais je ne subirai ça. Mais j’étais naïve et je ne connaissais pas les garçons adolescents. Je suis sortie avec un garçon de ma classe, mais je n’ai pas voulu coucher avec lui, alors pour sauver sa réputation il a dit à tout le monde ce qu’ils voulaient entendre. Une réputation de « marie couche toi-là » est très vite sortie, je ne savais pas ce qui se racontait dans mon dos, je ne l’ai su que bien plus tard. Mais j’avais mal par leur faute… Et je voulais qu’ils aient mal autant que ce que mon cœur pouvait saigner.

On m’avait appris que non, on ne fait pas mal aux gens. Mais cette douleur il fallait qu'elle sorte.
Alors un couteau, un bras, du sang. Ma douleur psychologique sortait avec la douleur physique et en même temps me prouvait que, si, j’étais bien vivante, si, j’existais.

Les adultes l’ont découvert, ont eu peur, et à tort m’ont jugée suicidaire. Renvoyée du lycée pour une semaine, enfin jusqu'à ce que je dise : "Ok, j’irai voir leur psy…" Je n’ai pas accroché avec cette personne qui me prenait pour une folle suicidaire, qui n’entendait pas ce que je voulais dire. J’ai fini par ne plus lui parler, être présente à sa séance devrait suffire pour qu’on me foute la paix au lycée. Puis j’ai arrêté de le voir. J’ai recommencé mes scarifications, mais plus en douce. Puis j’ai découvert que courir jusqu’à épuisement provoquait un peu le même réconfort que je cherchais, alors je courais des heures durant, le soir entre la fin des cours et l’heure de la cantine du soir. Je courais toute ma souffrance, tout ce mal qui me bouffait, que je ne savais pas comment gérer.

Un peu plus tard j’ai trouvé l’autodestruction parfaite, faire mal à son corps sans que l’on ait peur de moi... La cigarette. J’ai mis longtemps à savoir pourquoi j’avais commencé cette addiction. Maintenant je sais, je peux avancer pour un vrai arrêt.

Alors oui, je n’en suis pas morte, oui ça m’a rendu plus forte, mais à quel prix ? Par rapport à ma confiance en moi. Vous savez, le truc qui fait qu’on arrive à rester soi en société, qui fait qu’on n'a pas l’impression qu’on vous agresse dès qu’on vous parle.

Alors il m’aura fallu du temps, beaucoup de temps pour réussir à enfin mettre les mots, à réussir à dire oui moi, j’ai été victime de harcèlement scolaire et c’est moi qui en paye encore le prix aujourd’hui une fois adulte.

J’éprouve une très grande gratitude envers la vie pour avoir par la suite mis sur ma route des personnes merveilleuses, belles dans leur être, qui ont su m’apporter beaucoup d’aide et de soutien pour réussir à voir en moi ce que moi je ne voyais pas/plus. Alors surtout parlez, écoutez vos enfants, vos ados, rien n’est un petit rien. Ne sous-estimez pas l’impact de ces petits riens.

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